Au Cyprès, une nouvelle croix…

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A Pomeyrol, tapie der­rière la col­line, les Cyprès est une grande cha­pelle à ciel ouvert, sculp­tée dans la nature. Coline en rési­dence à la Communauté a pas­sé des heures et des jours à tout res­tau­rer et sur­tout à éle­ver une croix faite de ses mains. Elle a médi­té avec la Communauté le 1° mars sur cette nou­velle croix de Pomeyrol .

Ces longues heures, seule et en silence, de bros­sage, de rabo­tage et de pein­ture m’ont don­né́ quelques occa­sions de médi­ter la Parole, prier, contem­pler, louer, réflé­chir, écou­ter et recevoir. 

Dans cette croix, j’y vois et j’y ai mis deux symboles pour Pomeyrol.

Cette croix a un mou­ve­ment. Elle va vers l’avant, les bras ouverts. Je sais que nor­ma­le­ment une croix va uni­que­ment vers le haut mais celle-là, elle va aus­si vers l’avant, les bras ouverts. Je crois que c’est à l’image de Pomeyrol mais avant tout c’est à l’image du mou­ve­ment de l’Évangile, de cette bonne nou­velle du Christ qui nous déplace, qui nous accueille et que nous accueillons. Un même mou­ve­ment, qui part de deux extré­mi­tés, pour se rejoindre.

Cette croix est pleine de ce mou­ve­ment de quête et d’élan de l’humain que l’on trouve dans la para­bole du jeune homme riche. Ce mou­ve­ment de quête qui fait pas­ser l’homme indé­fi­ni, en grec dans le texte, c’est seule­ment écrit « un », à un jeune homme. Puis ce mou­ve­ment d’élan qui pousse le jeune homme vers le Père, mais qui sera libre de le rejoindre ou non.

Elle est aus­si pleine du mou­ve­ment du père de la para­bole du fils pro­digue, ce père qui accoure les bras grands ouverts et embrasse son fils qui était par­ti et qui revient.
Cette croix sym­bo­lise donc ce même mou­ve­ment d’accueil mutuel, ces retrou­vailles entre le Père et ses enfants per­dus. C’est aus­si sym­bo­lique pour moi car, comme les sœurs le savent, c’est une para­bole qui fut un point de bas­cule dans ce que je porte aujourd’hui et qui est au centre de mes réflexions pour vivre l’Église en incar­nant ce lieu de retrou­vailles entre le Père et ses enfants.

Vous pour­rez voir aus­si que cette croix est, para­doxa­le­ment, impar­faite et par­faite. Imparfaite car construite par des humains. Alors, elle est pleine de mes aspé­ri­tés, de celles de l’humanité. Pleine de bosses, de creux, de nœuds, d’entailles. Qu’il ne faut pas enle­ver car sinon nous n’aurions plus besoin de cette croix et tout ce tra­vail aurait été inutile ! Et per­son­nel­le­ment, j’ai envie de dépendre de cette croix. Justement parce que cette croix est aus­si par­faite, dans le sens du terme grec τελειος que l’on retrouve jus­te­ment dans cette para­bole du jeune homme riche qui signi­fie non pas par­fait, dans le sens sans défaut, mais par­fait dans le sens accom­pli, mené à terme. 

Cette croix, mal­gré ses imper­fec­tions, est par­faite, car elle a été menée à terme. Et à la Croix du Christ tout est accom­pli. Alors je n’ai pas cher­ché à enle­ver toutes ses aspé­ri­tés mais je me suis effor­cée de rendre cette croix la plus douce pos­sible, de revê­tir ses aspé­ri­tés de dou­ceur, du pied de la croix jusqu’à son som­met, à l’image du Christ. Une croix à l’image du Christ de Mathieu 11, ver­set 28 à 30, ce Christ qui nous dit : « Venez à moi, vous tous qui pei­nez sous la charge ; moi, je vous don­ne­rai le repos. Prenez sur vous mon joug et laissez-vous ins­truire par moi, car je suis doux et humble de cœur et vous trou­ve­rez le repos. Car mon joug est bon et ma charge est légère ». Voilà le deuxième sym­bole de cette croix, la dou­ceur du Christ.

J’ai vou­lu faire de cette croix une croix douce et accueillante pour tous ceux qui passent par Pomeyrol. Douce et accueillante pour l’homme incon­nu, encore indé­fi­ni, celui qui vient plein de la quête de son iden­ti­té́ véri­table. Douce et accueillante pour le jeune homme, celui qui vient plein de l’élan pour entrer dans la vie. Douce et accueillante pour celui qui vient plein de sa quête et de son élan pour tout y dépo­ser, et là les mains vides mais ten­dues vers le ciel, il est prêt à rece­voir sa véri­table iden­ti­té́, celle d’enfant de Dieu. Et rece­voir de Dieu les pro­messes que Dieu lui-même a mises dans son cœur durant sa quête et son élan. Que ce soit l’homme indé­fi­ni, le jeune homme ou l’enfant, cha­cun accueilli dans les bras tendres du Père et par la dou­ceur du Christ, les bras grands ouverts comme ce Christ à Rio. Une croix qui prend dans ses bras celui qui la regarde et l’invite à faire de même. Finalement, une croix incar­née qui fait un câlin et à laquelle nous pou­vons faire un câlin. 

Une croix de Pomeyrol pour Pomeyrol et à l’image de ce qu’est et restera Pomeyrol

Nelly Duret finit son livre sur Soeur Antoinette avec cette cita­tion la décri­vant : « Quand elle les levait, ses bras se mêlaient aux branches des arbres dans le parc de Pomeyrol : tous les oiseaux du ciel auraient pu s’y poser. Chère Antoinette, elle avait de grands bras pour bénir… ». Voilà, c’est aus­si une croix à l’image de votre Sœur Antoinette les bras grands ouverts bénis­sant la Création tout entière !

J’ai écrit une prière toute simple qui sym­bo­lise tout cela. Une prière pour nous tous, de façon élar­gie, nous tous qui sommes de pas­sage, plus ou moins long, à Pomeyrol, peu importe où nous en sommes dans notre che­mi­ne­ment spi­ri­tuel. C’est une prière que l’on peut com­men­cer et arrê­ter où l’on veut. Une prière de chaque jour, où l’on repart d’où on peut, en s’arrêtant où l’on peut. À chaque jour suf­fit sa peine.

Devant cette croix, intri­gué, je me demande pour­quoi.
Me voi­ci ! Restant coi.
En quête et dans un élan, Seigneur, je te demande com­ment. Me voi­ci ! Te questionnant.

Plein de ma quête et de mon élan, Seigneur, je viens confiant. Me voi­ci ! Ta main dans la mienne, mar­chant.
Ici, au pied de ta douce croix, Seigneur, je dépose tout cela. Me voi­ci ! À genoux tout près de toi.

Devant toi, les mains vides et ten­dues vers le haut de ta croix, Seigneur, je suis prêt à rece­voir tout de toi.
Te voi­là̀!
Dans tes bras, Seigneur, j’écoute et je reçois.

Me voi­ci ! Debout en toi.
Seigneur, tout est pour toi.
Me voi­ci !

Dans le monde, plei­ne­ment avec l’autre et plei­ne­ment à toi.

Coline
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