Jean 15, 16
La voici, cette racine d’éternité
Qui vient féconder notre humanité.
Nous serions donc choisis, attendus, alors que nous nous pensons perdus
Désirés, alors que nous nous vivons désertés
Précédés, alors que nous nous croyons esseulés.
L’amour est toujours une élection,
Une manière d’honorer la beauté et la fragilité du visage humain.
Il ne choisit pas l’un contre l’autre,
Mais l’un et l’autre,
Et cette addition nous réconcilie par-dessus nos propres divisions.
Mais d’où vient cette étrange résistance
À entrer dans l’amitié de l’immense,
Cette imperméabilité à la promesse qui creuse pourtant notre chair ?
D’où nous vient cette distorsion de l’oreille qui privilégie
Le bavardage extérieur et les bruitages extérieurs,
Ce qui ravage l’existence au lieu de lui donner consistance ?
On peut persévérer dans la surdité,
Mais on peut aussi s’en exiler ;
On peut cultiver le sentiment d’être abandonné,
Mais on peut aussi le déraciner.
C’est à travers l’inattendu des regards et des saisons
Qu’il faut guetter la bénédiction :
Souffle alors un autre vent
Qui balaie les feuilles mortes du dedans.
De cette fulgurance, nous savons bien peu.
C’est après coup que nous en mesurons la générosité,
À la manière dont nous redevenons poreux
À la brise menue qui dilate l’espérance
Et multiplie la persévérance.
Francine Carillo, Le Plus-que-vivant, pp 123–125