Étranges témoins de la Passion par Elian Cuvillier

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Elian Cuvillier

Une der­nière remarque. Au moment où Jésus meurt, le cen­tu­rion romain dit : “Vraiment, cet homme était le fils de Dieu”. Il dit cela alors qu’il n’y a devant lui qu’un homme qui meurt comme le der­nier des parias. Il dit que cet homme sans aucune qua­li­té est le fils de Dieu. C’est ain­si que Jésus est mort, mais c’est pour nous dire, à nous, par­fois quand nous ne pou­vons plus le croire, que c’est pour nous qu’il a tra­ver­sé cette épreuve. Non pas comme une voix culpa­bi­li­sante qui nous dirait : avec ce que j’ai fait pour toi. Mais comme une caresse apai­sante sur une chair tant de fois meur­trie : je suis ta Pâque. Cette tra­ver­sée de la som­bre­val­lée, je l’ai subie. Et les dieux, tous les dieux qui réclament quelque chose de toi, je les ai cru­ci­fiés là. Ils ne peuvent plus rien te deman­der. Et puis, si tu cherches Dieu, celui que j’ap­pelle mon Père. Il est là. À mes côtés. À tes côtés. Là où per­sonne n’i­rait le cher­cher. Il se laisse trou­ver.
Souvent, le rejet par nos contem­po­rains de l’i­dée d’une mort de Jésus pour nous s’ex­prime comme le refus d’une image per­verse de Dieu, celle du Dieu qu’il fau­drait apai­ser par un sacri­fice. Derrière ce refus jus­ti­fié, se cache pour­tant peut-être aus­si la volon­té de maî­tri­ser sa vie, de ne pas lare­mettre entre les mains d’un autre. Or l’Évangile affirme que quelque chose de fon­da­men­tal : notre exis­tence ne trouve son salut que dans l’a­ban­don total, dans un refus de maî­tri­ser jus­qu’au bout notre vie Celle-ci n’est sau­vée que rache­tée par le Christ. C’est-à-dire déli­vrée des puis­sances de mar­chan­dage qui nous tiennent pri­son­niers. Oui, Christ a rache­té nos vies. Non pas à Dieu, à son Dieu, mais aux dieux de ce monde qui nous tenaient pri­son­niers. Il les a rache­tées en ne se lais­sant pas asser­vir par cette logique qui nous tient dans ses liens. En bri­sant ces chaînes et en nous mon­trant le che­min d’une liber­té reçue, d’une vie offerte comme un cadeau qui ne nous obli­ge­rait à aucune dette. Oui, cela, il l’a fait pour nous. Ce cadeau, on peut l’ap­pe­ler un sacri­fice. Mais alors ce n’est pas un sacri­fice à Dieu, c’est le sacri­fice même de Dieu qui a accep­té de bri­ser sa propre image pour se révé­ler, en son Fils, sous un autre visage. Celui d’un Père plein de ten­dresse et de son Fils qui s’est fait notre frère.
Elian Cuvillier, théologien

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